Le mardi 26 novembre 2024 mériterait d’être marqué d’une croix rouge dans l’agenda du gouvernement. Menacé d’être renversé par une motion de censure dans laquelle s’allieraient la gauche et le Rassemblement national, le gouvernement a fait, ce jour-là, l’unanimité ou presque des députés derrière lui. Il s’agissait de repousser l’accord du Mercosur ce qui a été approuvé par 484 voix contre 69.
Sophie Primas et le débat sur l’accord du Mercosur
Ce débat sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les cinq pays du Mercosur (le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie) a été mené par deux ministres, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, et par la ministre déléguée au Commerce extérieur Sophie Primas qui était sénatrice des Yvelines avant d’entrer au gouvernement.
La ministre qui s’est depuis longtemps opposée à cet accord dont elle a toujours dit qu’il n’était pas « acceptable en l’état », a tenté de rassembler le plus de députés possibles derrière la position française. Comme elle l’a déclaré devant les députés :
« Votre mobilisation constante a déjà marqué les esprits et elle doit se poursuivre avec force. Vous êtes, avec nous, les acteurs-clés de ce combat en direction de vos homologues de tous les pays européens et de toutes les sensibilités ».
En réalité plusieurs formes d’opposition à cet accord sont apparues. Le RN met en avant la question de la souveraineté. La gauche les questions d’environnement. Les macronistes et la droite républicaine, les clauses miroir, sans pour autant rejeter le principe du libre-échange.
Dans son intervention, la ministre du Commerce extérieur a tenté de rassembler toutes ces oppositions, incluant notamment la préoccupation environnementale en déclarant : « Nous n’accepterons pas un texte qui ne ferait pas de l’Accord de Paris un élément essentiel. ».
Il faudra maintenant constituer une majorité de blocage au sein de l’Union européenne. L’Italie et la Pologne ont déjà rejoint la position française et il n’est donc plus impossible, aujourd’hui, de réunir quatre États représentant au moins 35% de la population européenne.
Jean-Noël Barrot, un rôle clé aux Affaires étrangères
Dans ce dossier, la ministre de l’Agriculture et la ministre du Commerce extérieur vont jouer un rôle, mais c’est surtout le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères qui sera au premier plan.
Depuis sa nomination au Quai d’Orsay, l’ancien député de la deuxième circonscription des Yvelines a été sur tous les fronts.
Dans une période de cohabitation, même si le Président et le Premier ministre ne veulent pas employer ce mot et préfèrent celui de cogestion ou le néologisme de « coalitation », le ministre des Affaires étrangères occupe une position particulière. On a souvent parlé du domaine réservé du Président, à savoir la politique extérieure et la politique de défense. L’expression est trompeuse. Certains préfèrent parler de domaine partagé. Il n’est en effet aucun domaine dans lequel le gouvernement et le Premier ministre n’auraient pas leur mot à dire. Mais il est vrai que c’est le Président qui représente la France dans les grandes occasions, les G20, le Conseil européen, les dîners d’État, et ne pas respecter cette sorte de hiérarchie reviendrait à atteindre non pas la personne mais la fonction même de Président de la République. Voilà pourquoi, le Président a son mot à dire dans le choix du ministre des Affaires étrangères et dans celui du ministre de la Défense.
Le choix de Jean-Noël Barrot a été celui du consensus. Il a été ministre à plusieurs reprises d’Emmanuel Macron, dans les gouvernements Borne et Attal. Il est un dirigeant du Modem qui appartient à l’ex-majorité présidentielle. Mais il est aussi le fils de Jacques Barrot, plusieurs fois ministre sous Pompidou, Giscard et Chirac, vice-président de la Commission européenne et créateur avec Michel Barnier, entre autres, du club « Dialogue et initiative ».
Dans une situation mondiale incertaine que ce soit en Ukraine, au Moyen-Orient, ou avec les risques que fait naître l’élection de Donald Trump, la voix de la France est scrutée. Et jusqu’ici Jean-Noël Barrot l’a portée avec force. Tout récemment, dans un entretien à la BBC, il a déclaré n’écarter aucune option dans le soutien de la France à l’Ukraine et notamment l’envoi possible de troupes françaises sur le terrain, débat qui, on s’en souvient, avait suscité une énorme polémique lorsqu’Emmanuel Macron avait évoqué cette possibilité. Il a aussi affirmé que les pays occidentaux devraient dépenser plus dans l’aide à l’Ukraine qui doit faire face à de nouveaux défis.
Plus récemment encore, il a dû répondre aux interrogations concernant les mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale contre Benyamin Netanyahou. La France les appliquerait-elle si le Premier ministre israélien se trouvait sur notre territoire ? Le ministre des Affaires étrangères a répondu de façon très diplomatique que « La France est très attachée à la justice internationale » mais il a ajouté que « La France respectera toujours le droit international ». La juxtaposition de ces deux affirmations peut laisser penser que le Premier ministre israélien pourrait ne pas être arrêté sur le sol français. Elle témoigne en tout cas de la volonté de l’Élysée et du gouvernement de ne pas rompre le dialogue avec Benyamin Netanyahou.
On le voit, la fonction de ministre des Affaires étrangères demande d’allier une certaine clarté pour définir la position de la France, mais aussi beaucoup de subtilité et de retenue.
Othman Nasrou, un secrétaire d’État actif sur le terrain
Ce n’est pas le cas d’autres ministères comme le ministère de l’Intérieur. Depuis qu’il occupe ce poste, Bruno Retailleau est omniprésent et multiplie les déclarations qui font polémique. On se souvient de celle sur l’immigration qui « n’est pas une chance » ou sur l’État de droit qui « n’est pas intangible ».
Difficile lorsqu’on est ministre délégué ou secrétaire d’État auprès d’un ministre de l’Intérieur aussi omniprésent de se faire une place.
Et pourtant, Othman Nasrou, secrétaire d’État chargé de la Citoyenneté et de la Lutte contre les discriminations a su, jusqu’ici, tirer son épingle du jeu en montrant sa détermination par une présence constante sur le terrain.
Il y a quelques jours, il était à Saint-Germain-en-Laye pour une cérémonie de naturalisation. Il y a réaffirmé, lui le natif de Casablanca, l’exigence de l’assimilation.
Quelques jours plus tard, dans Nice Matin, il affirme que
« Nous devons nous assurer que ceux qui veulent s’installer en France partagent nos valeurs ».
Chargé de faire respecter le pacte républicain, le secrétaire d’État estime qu’il faut relancer un processus d’intégration qui s’est détérioré.
Nul doute qu’il sera au premier rang (à moins que d’ici là le gouvernement ait été renversé) si, comme l’a affirmé à plusieurs reprises Bruno Retailleau, une nouvelle loi sur l’immigration devait être proposée dans les mois qui viennent.