FIL Nantes 2025 : les municipales, terrain d’expérimentation pour l’info locale

Publié le 26 septembre 2025

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FIL Nantes 2025 : les municipales, terrain d’expérimentation pour l’info locale

Wilfried Richy

Chronique

À Nantes, le Forum de l’Information Locale (FIL) a rassemblé 140 médias les 25 et 26 septembre. Les municipales de 2026 ont dominé les débats. Les rédactions locales, confrontées à la défiance et à la crise des vocations, affûtent leurs méthodes et leurs outils pour rester au plus près des citoyens.


Les “JO” de la presse régionale

À La Voix du Nord, la formule est assumée : « Les municipales, ce sont nos Jeux Olympiques », a lancé Stéphanie Delhaye, rédactrice en chef adjointe. La rédaction a mobilisé 300 journalistes et 650 correspondants pour réaliser le bilan des maires dans 1 530 communes.
« Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera », insiste-t-elle. L’enjeu est de taille, des grandes villes aux villages de moins de 100 habitants où les listes peinent parfois à se constituer, notamment avec l’obligation de parité.

Suivre les promesses, pas seulement la campagne

Mediacités défend une approche sur le temps long. Benjamin Peyrel, directeur de la rédaction, a rappelé :

« Depuis 2020, nous suivons plus de 300 promesses par ville. Grâce à l’IA, nous analysons désormais toutes les délibérations municipales et métropolitaines. Cela permet d’objectiver l’action publique et de confronter les candidats à la réalité de leur mandat. »

Ce Radar des promesses, en accès libre, recense les engagements, leur état d’avancement et les analyses associées. L’outil complète la démarche participative “Véracité”, qui permet aux lecteurs de signaler rumeurs et déclarations douteuses à vérifier.

Interactivité : la boussole de BFM Régions

Pour BFM Régions, le contact direct avec les habitants est devenu un marqueur. Marie Marchais, rédactrice en chef adjointe, a relaté un cas survenu à Nice :

« Un téléspectateur nous a signalé des nuisances sonores via WhatsApp. Nous avons enquêté, invité un juriste puis le maire. Résultat : une mise en demeure a été annoncée en direct. »

Cette logique sera amplifiée pendant les municipales avec des journées pédagogiques consacrées au budget municipal ou aux compétences du maire. Objectif : aider les citoyens à comprendre concrètement ce que recouvrent leurs impôts locaux ou l’action d’un conseil municipal.

Crise des vocations et accès à l’information

Plusieurs interventions ont souligné la difficulté à trouver des candidats dans les petites communes. La parité obligatoire complique encore la constitution de listes.
Autre frein : les tensions avec certaines municipalités, qui multiplient les droits de réponse ou tentent de choisir leurs interlocuteurs dans les rédactions. « Les politiques ne choisissent pas leurs journalistes », a résumé un responsable, rappelant l’importance d’une couverture indépendante et régulière.

Les outils de la nuit électorale

Au-delà du terrain, des solutions techniques ont été mises en avant. L’équipe Sora a présenté un système d’automatisation des résultats et candidatures, exportable pour le web et le print, déjà utilisé lors de précédents scrutins (jusqu’à 60 millions de pages vues). Sponsora permet de gérer les partenariats et le mécénat liés aux événements de campagne, avec suivi et signature électronique. Enfin, Sora Infopratique centralise les agendas locaux pour alimenter sites et cahiers spéciaux.

Nouvelles pratiques éditoriales

Le FIL a aussi servi de laboratoire pour d’autres méthodes applicables aux municipales :

  • IA en rédaction : démonstration de Google Gemini pour résumer programmes et documents, et retour d’expérience sur NotebookLM dans l’affaire Jubillar.
  • Vidéo incarnée : l’association Vlipp a montré l’efficacité des formats courts auprès des jeunes publics.
  • Nouveaux médias : Ouest-France a présenté Novo19, sa chaîne locale multi-supports.
  • Jeunes lecteurs : La Voix du Nord relance ses comités éditoriaux de primo-votants, chargés de challenger la rédaction sur les sujets et formats.

“Ras-le-bol des médias ?”

Le grand débat du jeudi soir a réuni Samuel Petit (Le Télégramme), Charlotte Vautier (OK Charlotte), David Medioni (Fondation Jean-Jaurès), Nina Fasciaux (Solutions Journalism Network) et Gilles van Kote (Le Monde).

« Les citoyens attendent qu’on parle d’eux, pas seulement de leurs élus », a affirmé Nina Fasciaux. Pour Gilles van Kote, « la transparence et la vérification sont nos meilleures armes. Le local est l’espace idéal pour le démontrer ».

La préparation des municipales 2026 apparaît ainsi comme un test grandeur nature. Entre défiance et attentes citoyennes, les rédactions locales veulent prouver que l’information de proximité reste le meilleur levier démocratique.

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