« Bulles de Jouy » : l’exposition qui relie la Toile de Jouy à la bande dessinée

Publié le 01 juin 2025

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« Bulles de Jouy » : l’exposition qui relie la Toile de Jouy à la bande dessinée

Wilfried Richy

Chronique

À première vue, la Toile de Jouy et la bande dessinée semblent évoluer dans des univers parallèles. L’une, textile, orne les intérieurs depuis le XVIIIᵉ siècle ; l’autre, imprimée sur papier, raconte des histoires en séquences illustrées depuis le XIXᵉ siècle. Pourtant, à travers l’exposition Bulles de Jouy, présentée du 20 juin 2025 au 11 janvier 2026 au Musée de la Toile de Jouy, ces deux formes d’expression trouvent un terrain narratif commun.


Une filiation graphique et narrative

Le parcours de l’exposition, conçu par Audrey Sedano, explore les connexions historiques, techniques et artistiques entre ces deux médiums. Si la Toile de Jouy a ses racines en Inde et s’est imposée en France grâce à la Manufacture Oberkampf fondée en 1760, elle partage avec la bande dessinée une volonté de mettre en images des récits.

Parmi les 30 000 motifs produits par la manufacture jusqu’en 1843, une centaine illustrent des scènes à personnages, souvent morales, littéraires ou politiques. Ces compositions, organisées en narration cyclique ou monoscénique, se rapprochent par leur structure des planches de BD modernes.

Des points communs révélateurs

L’exposition met en lumière plusieurs points communs :

  • Le dessin comme point de départ du processus créatif.
  • L’usage de techniques d’impression similaires : de la plaque de cuivre au numérique.
  • Une composition séquentielle, parfois entrecoupée d’éléments décoratifs servant de repères narratifs.
  • Des thématiques partagées, telles que les Fables de La Fontaine ou Don Quichotte, présentes tant dans les toiles que dans les albums.

Ces éléments permettent de lire les toiles historiées comme des préfigurations de la bande dessinée, avec des scènes qui se répondent visuellement, souvent sans texte mais riches de sens.

Saint Sat’ et la Toile de Jouy,
motif d’inspiration Toile de Jouy,
bleu
Audrey Sedano, 2025
© Audrey Sedano
L’Histoire de Monsieur Jabot,
Rodolf Töpffer (1799-1846), paru en 1833,
Edition E. Dufrénoy, 1923,
collection particulière
Saint Sat’ et la Toile de Jouy,
motif d’inspiration Toile de Jouy,
rouge
Audrey Sedano, 2025
© Audrey Sedano

Une source d’inspiration contemporaine

Le lien ne s’arrête pas à une simple comparaison historique. Le 9e art puise également dans l’esthétique et les motifs de la Toile de Jouy. Des auteurs contemporains, comme Posy Simmonds dans Gemma Bovery, intègrent directement des dessins issus de la manufacture Oberkampf pour situer leur récit dans une époque identifiable.

D’autres, à l’image d’Audrey Sedano elle-même, vont jusqu’à créer des œuvres hybrides, mêlant bande dessinée et patrimoine textile, comme dans son projet Saint Sat’, dont un nouvel épisode inédit accompagne l’exposition.

La mode comme terrain d’expression partagé

L’exposition s’intéresse aussi à la manière dont toile imprimée et BD fusionnent dans la mode contemporaine. Des créateurs comme Jean-Charles de Castelbajac ou Richard Saja s’inspirent des deux univers pour concevoir des pièces uniques. Certains dessinateurs deviennent eux-mêmes designers textile, comme dans le cas des carrés Hermès, conçus avec des auteurs de BD.

L’exposition présente des œuvres textiles originales, comme l’ensemble chemisier-jupe de la collection Rockmantica (2007), mêlant impression sur toile de Jouy et esthétique de la BD.

Un projet muséal ambitieux et collaboratif

Bulles de Jouy s’inscrit dans la lignée de l’exposition Motifs d’Artistes (2023), poursuivant la réflexion du Musée sur le rôle du design narratif dans les arts décoratifs. Elle bénéficie de collaborations avec la Cité Internationale de la Bande Dessinée d’Angoulême, le Conservatoire des Créations Hermès, ainsi que le Festival de la BD de Buc.

Au-delà de la scénographie, une programmation culturelle étoffée – ateliers, conférences, rencontres – prolonge l’expérience tout au long de l’exposition.


Informations pratiques

  • Dates : du 20 juin 2025 au 11 janvier 2026
  • Lieu : Musée de la Toile de Jouy, Château de l’Églantine, Jouy-en-Josas
  • Tarifs : 9 € plein tarif / 7 € tarif réduit
  • Accès : RER C, station Petit Jouy – Les Loges, parking sur place

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