À l’heure où certains baissent les bras, lui choisit de chercher, d’inventer, de bousculer les standards. Le professeur Jean Bergounioux, chef de service en neurologie et réanimation pédiatrique à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (AP-HP), fait partie de ces praticiens rares qui refusent la résignation. Pour lui, dire « on n’a pas d’autre solution » n’est jamais une option. Et c’est précisément contre cette fatalité qu’il se bat, au quotidien, avec son équipe.
Refuser l’immobilisme, même quand tout semble figé
Dans certains cas médicaux complexes, notamment en pédiatrie, la tentation est grande d’accepter les limites existantes comme une fatalité. Mais pour Jean Bergounioux, ce réflexe est un piège.
« Dans beaucoup de cas, on dit : “on n’a pas d’autre solution, donc on va rester comme ça.” Et c’est à ça qu’on s’est opposé. »
Un engagement fort, nourri d’expérience clinique, mais aussi d’un profond sens des responsabilités envers les familles. Dans son service, on s’occupe principalement d’enfants atteints de maladies neuromusculaires, pour lesquels la ventilation mécanique, invasive ou non, est souvent vitale.
Des canules sur-mesure pour les plus fragiles
Parmi les gestes techniques quotidiens, la trachéotomie pédiatrique figure parmi les plus sensibles. Pourtant, le matériel existant reste peu adapté : le marché est trop étroit pour attirer les industriels, et les références disponibles sont souvent inadaptées ou peu satisfaisantes.
C’est ainsi qu’est née l’idée, simple mais audacieuse : concevoir des canules de trachéotomie sur mesure, pour répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant.
Ce projet n’est pas qu’une prouesse médicale : c’est une promesse d’humanité, une façon de dire à ces familles que la médecine ne les abandonnera pas faute de rentabilité.
Une recherche au croisement des disciplines
Jean Bergounioux n’est pas un médecin enfermé dans son service. Il est aussi professeur de pédiatrie à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), où il participe à la dynamique de recherche et d’innovation.
« Une grande partie de nos travaux sont liés aux nouvelles technologies. Par exemple, on analyse le mouvement des enfants à l’aide d’outils informatiques. »
Ce travail s’effectue en partenariat avec l’unité de recherche « Infection, inflammation chronique » de l’UVSQ, et bénéficie du soutien actif du département innovation de l’université.
Un environnement précieux, selon lui :
« On a de la chance : ce sont des gens très présents, très protecteurs vis-à-vis des inventions. »
L’innovation comme rencontre humaine
Ce qui frappe chez Jean Bergounioux, au-delà de son expertise technique, c’est sa vision profondément humaine de l’innovation. Pour lui, créer ne signifie pas seulement breveter ou optimiser un dispositif : c’est avant tout rencontrer les bonnes personnes, croiser des univers parfois éloignés, et bâtir ensemble des solutions inédites.
« C’est aussi un des côtés très exaltants : on croise des gens qui font des choses complètement à l’opposé de ce qu’on fait. »
Dans un monde hospitalier souvent pressé, normé, saturé, cette ouverture est précieuse. Elle redonne du sens à la médecine, en réaffirmant ce que beaucoup de familles espèrent : une écoute, une créativité, une persévérance.
Soigner autrement, sans renoncer
Jean Bergounioux n’a pas choisi la voie la plus facile. Il aurait pu se contenter d’appliquer les protocoles existants. Mais il a préféré emprunter un chemin plus incertain, plus risqué, mais infiniment plus humain : celui de l’adaptation permanente, de la recherche de solutions concrètes, là où les manuels médicaux s’arrêtent.
Son travail à Raymond-Poincaré est à l’image de cette éthique : attentif, exigeant, profondément tourné vers l’enfant et sa famille. Car derrière chaque canule, chaque technologie, il y a un visage, une histoire, un espoir.