
Lors des échanges de l’Université des mairies de l’Ouest Parisien (UMOP 2025), élus, députés et professionnels ont convergé vers un constat unanime : le système d’accueil du jeune enfant est à bout de souffle.
Ce diagnostic fait écho au rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié début 2025, qui met en évidence des conditions de travail dégradées, une pénurie de personnel qualifié et des disparités territoriales profondes.
Dans un contexte où une place en crèche sur deux fait défaut selon la DREES, et où près de 20 000 postes restent vacants dans les structures d’accueil collectives, la question de la petite enfance dépasse désormais le simple cadre familial : elle devient un enjeu de service public et de cohésion nationale.
Faire de l’accueil du jeune enfant un pilier du service public local
Aujourd’hui, le déficit de structures ne suffit plus à expliquer la crise.
Comme le souligne Annick Bouquet, adjointe à la petite enfance de Versailles : « Il faut que l’on réfléchisse à ce que l’on veut politiquement pour que la petite enfance de demain perdure dans la qualité. »
Un vrai défi car il faut :
- Placer l’enfant au centre du système, avec une approche fondée sur son développement global ;
- Améliorer les conditions de travail des professionnels ;
- Renforcer la coopération avec les familles.
Selon Jean-Baptiste Frossard, directeur de projet au ministère des Solidarités : « Les autorités publiques doivent se ressaisir de leurs responsabilités et bâtir une stratégie d’offre basée sur une connaissance fine des besoins des familles. »
Cette stratégie repose sur une meilleure évaluation locale des besoins, une gouvernance claire et des moyens financiers stables.
Des territoires sous tension : un enjeu d’équité et d’attractivité
La pénurie de personnels qualifiés, particulièrement marquée en Île-de-France et dans les zones rurales, entraîne des fermetures partielles, une baisse de la qualité d’accueil et une pression accrue sur les équipes.
Les assistants maternels première force d’accueil en France sont aussi en déclin : la DREES rapporte une baisse de 4,7 % de leurs effectifs en 2023.
Pour Anne Bergantz, députée des Yvelines, « la petite enfance est un enjeu d’attractivité territoriale ».
L’accès à un mode de garde de qualité influence directement la capacité des jeunes parents à s’installer ou à travailler localement.
Derrière la question éducative, c’est aussi la vitalité économique et sociale des communes qui est en jeu.
Revaloriser les métiers et repenser les pratiques
La revalorisation salariale et la formation continue constituent les deux leviers prioritaires pour enrayer la crise.
Le gouvernement a lancé en 2025 plusieurs dispositifs incitatifs :
- Bonus d’attractivité pour les structures améliorant les conditions de travail ;
- Formation complémentaire de 300 heures pour les assistants maternels volontaires ;
- Partenariats entre lycées et structures d’accueil pour encourager les vocations.
Mais pour les professionnels, l’amélioration des salaires ne suffira pas sans une transformation profonde de l’organisation du travail : « Si la qualité se dégrade, on ne pourra pas restaurer l’attractivité », prévient Jean-Baptiste Frossard.
Au-delà de l’emploi, la réflexion s’étend à l’innovation pédagogique.
La question d’une préscolarisation progressive dès deux ans, la coopération entre le secteur de la petite enfance et l’Éducation nationale, ou encore la mixité sociale dans les crèches deviennent des axes de transformation.
Un défi démocratique et territorial
La petite enfance cristallise désormais des enjeux multiples : égalité des chances, cohésion sociale, attractivité économique et confiance envers les institutions locales.
Elle interroge la capacité des communes à offrir à chaque enfant un cadre d’accueil de qualité, quel que soit le territoire.
Comme le résume Annick Bouquet : « L’accueil qualitatif est un enjeu et une valorisation. C’est lié aux conditions de travail, mais aussi au regard que portent les parents sur les professionnels. »
La petite enfance, longtemps considérée comme un maillon discret des politiques publiques, devient aujourd’hui un pilier de la République sociale.
Refonder son modèle, c’est investir dans l’avenir des enfants, dans la confiance des familles et dans la vitalité des territoires.