Jérôme Kerviel : retour sur son témoignage devant le Yvelines Business Club

Publié le 03 janvier 2025

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Jérôme Kerviel : retour sur son témoignage devant le Yvelines Business Club

Wilfried Richy

Chronique

Un sujet relancé par un documentaire événement

Depuis la crise financière de 2008, le nom de Jérôme Kerviel reste associé à l’un des plus grands scandales bancaires de l’histoire moderne. Un symbole des dérives d’un système financier incontrôlé, où la spéculation massive est encouragée tant qu’elle génère du profit.

En décembre 2024, la diffusion sur HBO Max du documentaire en quatre parties réalisé par Fred Garson, « Kerviel : Un Trader, 50 Milliards », remet en lumière cette affaire complexe. À travers des témoignages inédits, l’enquête tente de répondre à une question clé : comment la Société Générale a-t-elle pu laisser un seul homme prendre des positions atteignant 50 milliards d’euros ?

Ce documentaire met en avant une contradiction majeure : si Jérôme Kerviel a pu engager autant d’argent, c’est que la banque a laissé faire, satisfaite de ses gains impressionnants. Une thèse qui résonne fortement avec les propos que l’ancien trader avait tenus lors de son passage au Yvelines Business Club en 2019.

Aujourd’hui, tv78 revient sur cette intervention, où Jérôme Kerviel témoignait sans filtre devant un public de dirigeants et d’entrepreneurs. Un récit où il décrit son ascension, sa chute et sa reconstruction, loin des salles de marché.


L’ascension d’un trader anonyme devenu symbole d’un scandale mondial

En 2000, après des études en gestion et finance, Jérôme Kerviel rejoint la Société Générale, d’abord au middle office, la division qui gère le contrôle des transactions des traders. Il y apprend les mécanismes du marché boursier, la structuration des ordres d’achat et de vente, ainsi que la gestion des risques.

« J’étais fasciné par le monde de la finance, mais je n’imaginais pas devenir trader un jour. »

En 2004, il intègre le front office, la salle de marché où s’effectuent les transactions. Il devient officiellement trader en 2005 et, en quelques mois, il se distingue par ses performances.

En 2007, il réalise un gain de 1,4 milliard d’euros, sans que cela ne suscite la moindre alerte au sein de la banque.

« Tout allait dans mon sens, j’avais la confiance totale de mes supérieurs. J’étais dans une logique où plus on gagne, plus on prend de risques. »

Encouragé par ses résultats, il adopte une stratégie audacieuse : aller à contre-courant des tendances du marché, une technique qui lui permet d’accumuler des profits massifs.

« Les contrôleurs passaient devant mon bureau tous les jours. Ils voyaient les chiffres, mais ils laissaient faire. Pourquoi ? Parce que je gagnais. »

Mais en 2008, la crise des subprimes renverse brutalement la donne. Les marchés s’effondrent, et ses positions deviennent une bombe à retardement pour la Société Générale.

L’isolement total face au système bancaire

Le 24 janvier 2008, la Société Générale annonce une perte de 4,9 milliards d’euros, immédiatement attribuée aux prises de position de Jérôme Kerviel.

« J’ai appris la nouvelle en regardant la télévision. J’ai vu mon visage en boucle sur les chaînes d’info. Je suis devenu l’homme à abattre. »

Licencié, poursuivi en justice, il devient rapidement le bouc émissaire idéal d’une banque cherchant à éviter un scandale plus large.

« Lorsque tout allait bien, j’étais un élément clé du système. Dès que la situation a tourné, j’ai été le seul à porter la responsabilité. »

Le 5 octobre 2010, il est condamné à cinq ans de prison, dont trois ferme, et à 4,9 milliards d’euros de dommages et intérêts, une somme qu’il ne pourra jamais rembourser.

Les avocats de Kerviel dénoncent l’absence de remise en question de la Société Générale, qui, selon eux, ne pouvait ignorer l’ampleur des positions prises.

« Les responsables de la banque savaient. Ils ont profité des gains, puis ils ont cherché un coupable. »

Une reconstruction entre foi et combat judiciaire

Après sa sortie de prison, Jérôme Kerviel engage un travail profond sur lui-même. En 2014, il rencontre le Pape François, un échange qui le pousse à entreprendre un pèlerinage de Rome à Paris à pied.

« J’ai perdu une carrière, mais j’ai trouvé autre chose. Aujourd’hui, je suis libre. »

Ce voyage, à la fois physique et spirituel, lui permet de prendre du recul sur son passé et de questionner la place de l’argent dans nos sociétés.

« Quand on marche, on se dépouille de tout. On redécouvre la valeur des choses simples. »

Dans le documentaire « Kerviel : Un Trader, 50 Milliards », cette période est abordée sous un angle plus critique : s’agissait-il d’un vrai cheminement personnel ou d’un coup de bluff pour regagner l’opinion publique ?

Un message fort aux entrepreneurs du Yvelines Business Club

Lors de son intervention devant les dirigeants des Yvelines, Jérôme Kerviel insiste sur les enseignements tirés de son expérience et met en garde contre les dérives du monde financier, qui, selon lui, n’ont pas changé malgré les nouvelles régulations mises en place après 2008.

« Les banques ont renforcé leurs dispositifs de contrôle en façade, mais la logique de spéculation reste la même. Les crises ne disparaissent pas, elles sont juste différées. »

Avec la sortie du documentaire « Kerviel : Un Trader, 50 Milliards », la question de la responsabilité de la Société Générale revient sur le devant de la scène.

Le témoignage de Jérôme Kerviel devant le Yvelines Business Club en 2019, permet de replonger dans ce débat, en écoutant la version de l’homme qui a fait trembler la finance mondiale.

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