Dix ans après, où est tu Charlie ?

Publié le 07 janvier 2025

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Dix ans après, où est tu Charlie ?

Patrice Carmouze

Chronique

Retour sur l’attentat du 7 janvier 2015

Le 7 janvier 2015, à 11h30Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, cagoulés de noir et armés de fusils d’assaut, pénètrent au siège de Charlie Hebdo, dans le 11ème arrondissement de Paris. Ils exécutent Charb, le directeur de la rédaction, et Simon Fieschi, le policier chargé de sa protection, puis la psychiatre Elsa Cayat, les dessinateurs Georges WolinskiPhilippe HonoréCabuBernard Verlhac (dit Tignous), l’économiste Bernard Maris, ainsi que Michel Renaud, un militant associatif venu assister à la conférence de rédaction. Voilà le début des « trois jours de sang, de terreur et de larmes », comme l’écrit Le Monde, qui vont confronter, peut-être plus violemment que jamais, la France au terrorisme islamique.

Le dimanche 11 janvier, plus de quatre millions de Français et d’hommes et de femmes venus du monde entierdescendent dans la rue (dont 1,5 million à Paris) et proclament tous une phrase simple mais extraordinairement forte, qui montre à la fois la compassion à l’égard des victimes mais aussi la résistance face au terrorisme et l’attachement aux valeurs de la liberté d’expression et de la laïcité : cette phrase, c’est « Je suis Charlie ».

Dix ans plus tard : où en est la liberté d’expression ?

Qu’est devenu ce grand moment de concorde nationale dix ans plus tard ? Nous qui avons dû déplorer les assassinats des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, morts d’avoir cru en cette France de la liberté et de la laïcité et d’avoir voulu en transmettre les valeurs, avons-nous été à la hauteur du message de ce 11 janvier ?

Qu’après le temps de la concorde et du recueillement, soit venu le temps du débat, n’a rien de choquant. Ce qui l’est plus, c’est que notre vigilance s’est atténuée. On n’a pas entendu beaucoup de protestations lorsqu’une partie de la gauche (la gauche mélenchoniste) s’est mise à condamner Charlie Hebdo, en expliquant par exemple, comme l’a fait Manuel Bompard, que sa « ligne politique se rapproche de plus en plus de l’extrême droite ». Il a fallu attendre cette semaine, dans L’Obs, pour que Bernard Cazeneuve dénonce cette démarche qui considère « cyniquement les musulmans comme un électorat à conquérir ».

La laïcité en danger ?

Mais il y a plus : c’est notre incapacité à défendre la laïcité et à expliquer la différence entre spirituel et temporel. Le fameux « Rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui lui appartient ».

Les Chrétiens peuvent être choqués personnellement par un blasphème mais défendent le droit à critiquer les religions, car ils savent que, dans l’ordre publicla religion n’est rien d’autre qu’une opinion. Ce n’est pas le cas de bien des Musulmans (encouragés par les intégristes) qui considèrent la critique contre la religion comme une critique contre eux-mêmes.

Et le plus frappant est que, dans les jeunes générations, la critique des religions est considérée, très majoritairement, comme une offense faite aux croyants. C’est de cette ambiguïté qu’il faut sortir en rappelant qu’être Charlie, c’est non seulement défendre la liberté d’expression, mais aussi considérer la laïcité comme notre bien le plus précieux.


Nous sommes toujours Charlie

7 janvier 2025 – Dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) renouvelle son soutien à la rédaction du journal et rend hommage aux victimes de cette tragédie.

Nous n’oublions pas.

Nous n’oublions pas Jean CabutStéphane CharbonnierPhilippe HonoréBernard MarisMustapha OurradBernard Verlhac et Georges Wolinski, ces journalistes, chroniqueurs et dessinateurs assassinés pour avoir exercé leur métier, pour avoir défendu la liberté d’expression.

Nous n’oublions pas Frédéric BoisseauFranck BrinsolaroElsa CayatAhmed Merabet et Michel Renaud, victimes de la même barbarie.

Nous n’oublions pas non plus les victimes des autres attentats djihadistes de janvier 2015, ni leurs familles, ni leurs proches.

Le droit d’informer est inaliénable.
La liberté d’expression est une conquête précieuse.
Nous étions, nous sommes et nous resterons Charlie.

Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) – 7 janvier 2025.

Les journalistes victimes de l'attentat contre le journal "Charlie Hebdo" en 2015.

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