Un pays comme le nôtre ne peut pas rester sans budget. Le seul moyen, c’est d’engager la responsabilité du gouvernement. Ce sera fait ce lundi. » Dans l’entretien donné à « la Tribune », François Bayrou n’en fait pas mystère : il utilisera le 49.3 pour faire adopter le budget par l’Assemblée nationale.
Il ne pouvait en être autrement. Le budget, c’est l’acte fondateur qui lie, en principe, une majorité. Or, il n’y a pas de majorité à l’Assemblée. Donc, sans recours à l’article 49.3, le budget serait rejeté.
La procédure du 49.3 est toute autre. Cette fois, on ne demande pas aux députés d’approuver un budget, mais de censurer ou non le gouvernement.
Dans cet exercice, on connaît déjà ceux dont la décision ne fait pas de doute. À gauche, les Insoumis, les Communisteset les Verts voteront la censure. Dans le bloc central, les députés Renaissance, Modem, Horizon et LR ne vont pas, eux, censurer un gouvernement auquel ils participent. Sortons la calculette. Pour l’heure, ce dont on est certain, c’est que 125 députés voteront la censure et que 212 ne la voteront pas.
Mais il reste encore 240 députés à se prononcer, parmi lesquels on compte 66 socialistes, 141 RN et assimilés, les 22 députés du groupe LIOT et une dizaine de non-inscrits.
À partir de là, plusieurs cas de figure peuvent se présenter. Si les socialistes et le RN s’allient à la motion de censure, le gouvernement est renversé. Mais si l’un des deux, ou les socialistes ou les lepénistes, ne se rallie pas à la motion de censure, alors le budget sera adopté.
Aucun des deux groupes n’a officiellement fait connaître sa décision. Et pour cause. Ils savent, l’un et l’autre, que les Français en ont soupé de l’instabilité. Et que censurer le gouvernement, c’est paralyser l’État, l’empêcher d’agir. Un ancien Premier ministre, grande figure du socialisme français, l’a bien compris et a appelé les députés PS à ne pas voter la censure. C’est Lionel Jospin qui affirme : « voter la censure ne serait pas responsable. »
C’est semble-t-il le chemin vers lequel se dirigent les socialistes d’Olivier Faure. Ils ont négocié avec le gouvernement. Ils ont obtenu un certain nombre d’avancées sur les hôpitaux, l’éducation, la taxation des plus riches et des très grandes entreprises, etc. … « Le compte n’y est pas », affirment-ils, de manière à bien montrer que la non censure ne signifie pas qu’ils quittent l’opposition, mais personne ne comprendrait une radicalisation de dernière minute qui les replacerait sous la houlette des Insoumis, et ferait irrésistiblement penser au retour humiliant de la Pomponette dans La Femme du boulanger.
Quant au RN, qui pense plus à son image qu’au sort du pays, il attend sans doute la décision des socialistes. S’ils ne censurent pas le gouvernement, alors les lepénistes pourront le faire sans risque. Et dans le cas contraire, ce sont eux qui se pareront de l’habit de sauveur du gouvernement.
Conclusion provisoire : la censure a peu de chances de passer et les socialistes ont tout intérêt à ne pas la voter.
Il faudra, à la fin de la semaine, examiner le budget de la Sécurité sociale, celui qui a fait tomber le gouvernement Barnier. On ressortira alors les calculettes.