Yvelines : un territoire à l’heure du choc démographique

Publié le 13 décembre 2025

Partager

Yvelines : un territoire à l’heure du choc démographique

Article : Adam Amblard

Chronique

Le dernier rapport de la Cour des comptes, publié le 2 décembre 2025, sonne comme un avertissement : la France entre dans une transition démographique rapide, marquée à la fois par un vieillissement accéléré et une natalité en forte baisse. Ces tendances nationales, qui pèseront lourdement sur l’économie, l’emploi et les finances publiques, touchent déjà les Yvelines. Département attractif et dynamique, il voit pourtant sa croissance ralentir, sa population vieillir et ses équilibres internes se transformer. Comment ce territoire peut-il anticiper les mutations à venir ?


Une France qui change de visage

Dès les premières pages, la Cour des comptes dresse un tableau inhabituellement sombre. La natalité française est tombée à 1,62 enfant par femme en 2024, bien en dessous du seuil de renouvellement de 2,1. Le solde naturel est devenu négatif en mai 2025, une rupture historique. Dans le même temps, la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus a bondi à 21,8 %, contre 16,3 % en 2005. À long terme, la trajectoire s’inverse : la France atteindrait un maximum démographique autour de 2040 (70 millions d’habitants), avant de redescendre vers 68 millions en 2070. La population active reculerait, tandis que les plus de 75 ans passeraient de 7,3 à 11,2 millions.

Pour la Cour, les conséquences sont claires :

  • remboursement des retraites plus coûteux,
  • dépenses de santé et de dépendance en hausse,
  • recettes publiques en baisse, faute d’actifs en nombre suffisant.

Le rapport appelle à anticiper, notamment en “reconsidérant la décennie 60-70 ans” comme une phase d’activité professionnelle plus longue.

Les Yvelines face aux même tendances

Avec 1 470 778 habitants en 2022, les Yvelines restent l’un des départements les plus peuplés d’Île-de-France. Mais la dynamique n’est plus la même : la croissance annuelle n’est que de +0,1 % depuis 2015. Le solde naturel, autrefois très positif, est désormais négatif, avec en 2024 11 579 naissances pour 12 551 décès. Sans les arrivées internes, notamment de jeunes ménages quittant Paris pour les villes nouvelles, le département serait en déclin.

Le territoire conserve une structure relativement jeune, grâce à des pôles comme Saint-Quentin-en-Yvelines ou Poissy. Mais le vieillissement progresse :

  • 20,7 % de la population a 60 ans ou plus,
  • les +75 ans représentent 7,7 %, une part en hausse constante,
  • les zones rurales de l’ouest (Vexin, vallée de Chevreuse, Mantois) vieillissent nettement plus vite que l’est du département.

Un impact sur l’emploi et les secteurs stratégiques

La baisse de la population active, observée au niveau national, touche aussi les Yvelines. L’industrie automobile et aéronautique, le BTP, la santé, le transport et même l’enseignement rencontrent des difficultés de recrutement. Le département fonctionne avec de forts déplacements. 81 % des actifs travaillent hors de leur commune, ce qui rend le territoire sensible aux évolutions de l’emploi francilien.

L’augmentation des plus de 75 ans va amplifier la demande en soins. Les hôpitaux, les maisons de santé, les EHPAD et les services à domicile devront être renforcés. Certains secteurs, notamment dans l’ouest, subissent déjà une baisse du nombre de médecins.

La baisse de la natalité modifie la demande. On aura moins besoin de grands logements familiaux, mais davantage d’habitations adaptées au vieillissement. La rénovation, l’accessibilité et les structures intermédiaires deviendront des priorités.

Les infrastructures de transport sont essentielles dans les Yvelines. Si la population active baisse, les recettes liées aux mobilités pourraient diminuer. Cela arrive au moment même où les besoins d’investissement sont importants sur le RER C, les lignes N et U, et les trains du Mantois.

À quoi pourraient ressembler les Yvelines en 2040 ?

Les projections croisées (Insee + tendances nationales) permettent d’envisager trois trajectoires :

Scénario 1 : Stabilisation autour de 1,48 à 1,50 million d’habitants (le plus probable)

Le solde naturel reste négatif, le solde migratoire compense partiellement. Le vieillissement progresse mais reste maîtrisé.

Scénario 2 : Légère baisse démographique

Autour de 1,44 à 1,47 million d’habitants, en cas de forte poussée des départs franciliens et de natalité durablement basse. Les communes rurales seraient les plus touchées.

Scénario 3 : Rebond démographique

Possible seulement avec un regain d’attractivité résidentielle, de nouveaux logements abordables et une amélioration des transports. La population pourrait atteindre 1,52 million.

Quels défis pour les Yvelines ?

Le vieillissement impose de renforcer la santé, la prévention et les services à la personne. La baisse de la population active demande d’attirer des talents, de soutenir la formation et de favoriser l’emploi des seniors. Le territoire devra aussi repenser son équilibre interne : l’est du département reste dynamique, mais l’ouest vieillit plus vite et perd en attractivité. Pour éviter un décrochage, il faudra maintenir les services publics, améliorer les mobilités et encourager l’installation de professionnels de santé. Enfin, les grands secteurs économiques : automobile, aéronautique, énergie, recherche, technologies et services devront accompagner ces transformations pour rester compétitifs et continuer à structurer l’emploi local. L’enjeu est simple : faire de la transition démographique une opportunité plutôt qu’un frein.

Les tags liés a cet article :

Aujourd'hui